Ce lundi 13 avril, l’Assemblée nationale examine un projet de loi très controversé. Le texte donnant un cadre législatif aux activités de renseignement françaises suscite en effet de nombreuses craintes de la part des associations de défense des libertés publiques. Le projet porté par le gouvernement permettrait la surveillance de masse des citoyens français.
Le projet de loi sur le renseignement présenté par le gouvernement était nécessaire. Jusqu’à maintenant, la France ne dispose en effet d’aucun texte encadrant à lui seul ses activités de renseignement, mais une multitude de décrets ou d’arrêtés. Ce manque exposait l’Hexagone à des sanctions de la part de l’Europe. C’est dans ce contexte que ce projet de loi a été conçu, avec un examen en procédure accélérée au Parlement, le gouvernement estimant qu’il y avait urgence après les attentats du mois de janvier à Paris.
Mais ce texte n’est pas un projet de loi antiterroriste « comme il y en a eu une quinzaine depuis les années 1980 », explique Philippe Hayez, co-auteur du livre Renseigner les démocraties, renseigner en démocratie, et ancien directeur adjoint de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). « C’est une loi sur le renseignement. Ce qui est important, c’est le cadre global, ce sont les sept motifs qui sont désormais posés pour recourir au renseignement. »
Ces sept motifs recouvrent des champs assez larges. On y trouve la défense de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire, mais aussi la lutte contre le terrorisme ou, entre autres, la prévention de la criminalité et de la délinquance organisée. Des termes suffisamment vagues et flous pour laisser les coudées franches aux services de renseignement pour un peu tout et n’importe quoi. C’est du moins l'une des craintes des détracteurs du texte.
La crainte des « boîtes noires »
Le texte vise cependant à donner un cadre à des pratiques qui étaient auparavant illégales, ou « alégales », c'est-à-dire non encadrées par la loi. Il recouvre tous les moyens auxquels sont habitués les six services de renseignement français, comme les filatures ou les mises sur écoutes. Il introduit aussi quelques nouveautés, comme l’introduction des boîtes noires. « C’est la disposition qui est sans doute la plus décriée de ce texte », juge Damien Leloup, journaliste au Monde et spécialiste des questions de libertés numériques.
« Tous les fournisseurs d’accès à Internet devront installer sur leurs services des boîtes qui surveilleront le trafic internet de l’ensemble du pays. Ces boîtes seront alimentées par des algorithmes, fixés par les services de renseignement, et viseront à détecter des comportements suspects, pour repérer des groupes terroristes et leurs activités. » Concrètement, elles collecteront des méta-données, soit les informations de connexion, comme l’adresse d’un ordinateur sur le réseau, la durée de consultation d’un site, les destinataires d’un échange, etc. Le contenu n’est pas concerné, mais les méta-données seules peuvent apporter une foule d’informations aux services de renseignement.
Des recours possibles
Toutes ces pratiques ne se feront cependant pas sans cadre. Dans les faits, les agents du renseignement devront demander l’autorisation à une nouvelle commission administrative indépendante avant d’utiliser des moyens techniques. Celle-ci devra rendre un avis, qui ne sera que consultatif, le dernier mot revenant au Premier ministre.
En cas de litige, un recours a posteriori sera possible. « Le juge administratif, c’est-à-dire le Conseil d’Etat, pourra, dans des formations spécialisées habilitées au secret, arbitrer des recours. » Ceci dit, ces recours ne sont pas suspensifs. L’autorisation donnée par le Premier ministre ne sera pas annulée dès l’ouverture d’une procédure de recours. C’est, là aussi, l'un des points du texte qui gênent beaucoup ses détracteurs.
Cependant, malgré les nombreuses oppositions que ce projet de loi suscite, il devrait a prioripasser l’étape du Parlement sans trop d’encombres, d’autant plus qu’il est examiné en procédure accélérée. C’est-à-dire que chaque chambre ne le lira qu’une seule fois. La majorité socialiste et l’UMP le voteront, alors que les écologistes sont beaucoup plus circonspects. Le texte pourra également être amendé lors de son examen. Une disposition protégeant les lanceurs d’alerte sera notamment débattue. ( SOURCE RFI)
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